La paracha de Pinhas est lue en général dans la période des trois semaines qui s’étalent du jeûne du 17 Tamouz à celui du 9 Av, période appelée “entre les catastrophes, ben ametzarim”[1]. Le 17 Tamouz, se sont abbatus sur Israël cinq désastres: la brisure des Tables de la Loi (dites premières tables, par opposition aux secondes qui seront apportées par Moïse le jour de Kippour); le sacrifice permanent du Premier Temple, le Tamid, s’est arrêté ce jour-là; la première faille dans les murailles du Second Temple; l’autodafé d’un Rouleau de la Torah par Apostemos; l’installation d’une statue dans l’enceinte du Temple[2].
Les premières tables avaient une sainteté que n’égalaient pas les secondes. En effet, y était gravée l’Ecriture même de D.ieu. “Et ces tables étaient l’ouvrage de D.ieu; et l’écriture, gravée sur les tables, était l’écriture de D.ieu” (Exode, 32, 16). Ces tables représentaient le summum de la rencontre entre la Présence Divine et l’homme: un objet, présent dans ce monde et qui portait le sceau divin de façon tangible, concrète! On ne pouvait aspirer à plus haute révélation. D.ieu avait rapproché les mondes d’en haut et d’en bas pour qu’ils ne fassent plus qu’un, pour que chaque homme, chaque événement soit en communication directe, immédiate, avec la Présence Divine. Ce 17 Tamouz, avec ces tables, l’homme avait acquis la plus grande liberté, celle de dominer la matière pourdevenir un être n’aspirant qu’à la spiritualité. C’est ainsi que nos maîtres, à propos du verset précédemmemt cité, l’interprètent de la manière suivante: gravé et liberté se prononcent de la même manière, en hébreu (harout, hérout); il ne faut donc pas lire gravée, mais libre[3]. L’homme était devenu libre. Par le fait qu’il avait dominé la matérialité et déclarait qu’il était prêt à s’adonner corps et âme à la Torah, il avait fait deson corps un événement spirituel. Il était donc libéré de la mort[4]. Le 17Tamouz, l’homme aurait pu acquérir l’éternité...Mais l’on connaît la suite: Moïse ayant tardé six heures, les Enfants d’Israël se cherchent déjà un autre intermédiaire entre D.ieu et eux, et s’inventent le Veau d’Or. Moïse, redescendant aves les Tables, décide immédiatement de les briser. Et D.ieu le félicite[5]. Situation paradoxale, s’il en est! Les Enfants d’Israël étaient sur le point d’atteindre un niveau jamais égalé, par l’acte de Moïse, ils le perdent (pour ne plus le retrouver jusqu’à la fin des temps) et D.ieu s’en félicite.
Il y a à cela plusieurs explications. La première, d’ordre presque pédagogique, est que les Enfants d’Israël ont fauté pour permettre aux autres futurs fauteurs d’avoir la possibilité de tchouva, de repentir, qui sera accordée au peuple le jour de Kippour. La seconde fait intervenir le rapport intime, secret qui peut exister entre D.ieu et Israël. Cette relation a trois modalités possibles: Israël peut se lier à son Créateur comme un esclave à son maître, ou comme un fils à son père, ou comme une femme à son époux[6]. Le niveau atteint le 17 Tamouz était de l’ordre de la plus grande intimité possible, celle de l’époux et de sa bien -aimée se préparant à convoler dans la chambre nuptiale[7]. Et les Tables représentaient en quelque sorte le contrat de mariage, le Shtar sur lequel était gravée l’acquisition par D.ieu de sa bien-aimée, Israël[8]. Et voici que sous le dais nuptial, la fiancée va chercher un autre amant. “ Aaron.. fit un veau en métal; et ils dirent: Voici tes dieux, Israël, qui t’ont fait monter du pays d’Egypte” (Exode, 32, 4). Face à cet “adultère”, il valait mieux ne pas entériner l’acte de mariage, et le déchirer avant que le mariage ne soit consommé; car après, le divorce eût été inévitable. C’est pourquoi Moïse brise les Tables et remonte sur le Mont Sinai plaider la cause de cette fiancée frivole. Heureusement, le fiancé acceptera la repentance de sa bien-aimée: c’est Yom Kippour.
Mais néanmoins, le mal a été fait. Le degré d’intimité extrême que promettait D.ieu avec les premières Tables, la Présence Divine tangible au milieu d’Israël, cette intimité ne sera pas retrouvée par la suite. Les secondes tables présentent une Torah en relation avec les questionnements d’ordre pratique, matériel: il s’agit de savoir ce qui est permis ou interdit, pur ou impur. C’est ce que dit D.ieu à Moïse quand Il le félicite d’avoir brisé les premières Tables: “Maintenant tu auras les Talmuds de Babylone et de Jérusalem, les Aggadoth et les Halakhot. Si tu n’avais pas brisé les premières Tables, il n’y aurait eu que le Pentateuque et le livre de Josué qui auraient été donnés à Israël”[9]. Ceci vient nous livrer le secret contenu dans les premières Tables: la Torah de l’unicité, au-delà de la division, de la “mahloquet”, la Torah qui émane de la Parole même de D.ieu s’inscrivantsur les deux côtés de ces Tables. Cette unicité est représentée par le Pentateuque et le livre de Josué. Si nous avions gardé les premières Tables, nous n’aurions pas eu besoin d’autres livres révélés pour comprendre les secrets de la Torah. Ce qu’est venu briser le Veau dOr, c’est la possibilité d’être sur cette fréquence particulière d’écoute de la Voix Divine qui nous aurait permis une compréhension immédiate, sans intermédiaire, des secrets de la Torah. Ceci est d’ailleurs suggéré par le texte lui-même, qui, lorsqu’il parle des premières Tables, s’exprime au singulier, alors que les secondes Tables sont dites au pluriel: “Et Il donna à Moïse, lorsqu’Il eut achevé de parler avec lui sur le Mont Sinai, les deux tables du Témoignage, table de pierre, burinée par le doigt de D.ieu” (Exode, 31, 18) .Et Rachi de commenter: “le mot לחת est écrit sans vav comme si c’était un singulier”. Cette particularité grammaticale se retrouve encore dans un autre verset qui parle des Premières Tables: “ Monte vers Moi sur la montagne, et y demeure: je veux te donner la Table de pierre, la loi et le commandement, que J’ai écrits pour leur enseigner” (Exode, 24, 12); de nouveau, לחת est écrit sans vav. Ce singulier vient nous révéler un degré de rapprochement entre D.ieu et le peuple d’Israël qui n’avait pas son pareil dans toute l’histoire. Le Arizal nous explique qu’il s’agit de l’union constante des premières séfirot (hohma et bina, aba et ima), alors qu’au moment du Don de la Torah le 6 Sivan, il ne s’agissait “que” d’une union par intermittence[10]. C’est pour cela que le Baal Chem Tov met en parallèle la période des trois semaines entre le 17 Tamouz et le 9 Av avec les trois premières séfirot[11]! Pour lui, les trois shabatot des trois semaines sont les shabbatot les plus élevés de toute l’année! C’est aussi ce que nous dit le Hida qui, citant le Yalkout sur Pinhas, écrit que D.ieu voulut donner à Israël pendant les mois de Tamouz et Av les solennités de Rosh Hachana et Kippour, mais en raison du Veau d’Or, Il repoussa ces fêtes à Tishré. Et, continue-t-il, les Patriarches les célébraient pendant cette période de Tamouz-Av[12]. Rosh Hashana aurait dû donc tomber, d’après le Hida.... le 17 Tamouz! C’est aussi pourquoi les hassidiques disent que celui qui recherche D.ieu pendant cette période peut le trouver plus facilement que tout le reste de l’année. Ils se fondent sur le verset des Lamentations qui dit que “Ses persécuteurs l’ont atteint dans les étroits défilés[13]”. Le sens premier est que tout celui qui veut atteindre Israël peut le faire sans difficulté pendant ces trois semaines(étroits défilés: ben hametzarim: dans les trois semaines). La tradition hassidique a transformé ce verset pour le traduire comme: “Tout celui qui poursuit D.ieu pourra l’atteindre”! Ils utilisent la métaphore du roi qui, lorsqu’il a quitté son palais et se promène dans les rues et les marchés, est plus accessible que s’il y restait, cela correspondant évidemment à l’exil de la Présence Divine après la destruction du Temple[14] . Nous voyons donc que cette période de l’année était porteuse d’une histoire potentiellement très féconde, mais que les Bnéi-Israël n’ont pas su exploiter. Cette chute était malheureusement prévisible, selon le principe qui veut que plus le degré de sainteté est élevé, plus le risque de chute dans l’impureté grandit. La Guémara ne dit-elle pas que la tendance au mal est la plus forte chez le sage[15]? Cette idée sera développée à son paroxysme chez le Ramhal qui prend comme thème central de ses écrits la notion de transformation du mal en bien. La nature humaine est telle que l’on ne pourra saisir et apprécier la grandeur d’une chose que lorsqu’on l’aura perdue. “On ne pourra comprendre la lumière qu’à partir de l’obscurité” écrit-il dans Daat Tvounot. C’est peut-être la raison profonde pour laquelle Moïse a brisé les premières Tables: ainsi les Bnéi-Israël pourront mieux saisir ce qu’ils auraient pu atteindre s’ils n’avaient pas fauté...
Ce degré élevé de sainteté est représenté par la figure de Joseph le Juste. Le juste est celui qui permet la liaison entre D.ieu et Israël. Dans l’arbre séfirotique, il est le lien entre les huit séfirot supérieures et la dernière, la Royauté (Malkhout) qui est le principe féminin qui ne fait que recevoir des autres séfirot. Elle représente -entre autres- l’assemblée d’Israël. La seule façon pour elle de s’unir à son Créateur est de passer par la séfira Yesod, la neuvième, qui représente le juste de chaque génération, l’archétype étant Joseph. Ce que les Bnéi- Israël ont réduit à néant, avec la faute du Veau d’Or, c’est cette union permanente entre D.ieu et eux, par l’intermédiaire du Juste. Ce que les premières Tables auraient permis, c’est la liaison permanente entre D.ieu et l’Assemblée d’Israël. En termes séfirotiques cette liaison est représentée par l’union de Yesod avec Malkhout. La faute du Veau d’Or a entraîné la rupture entre ces deux séfirot (ce qui a impliqué aussi l’éloignement d’avec les trois premières séfirot, alors que le moment était propice à un tel rapprochement, comme nous l’avons vu plus haut à propos de l’enseignement du Arizal). Ce que les Bnéi-Israël ont perdu dans cete faute, c’est donc la figure de Joseph. Or Joseph est représenté par un taureau. Dans les bénédictions qu’adresse Moïse aux douze tribus avant de mourir, il dit de Joseph qu’il est un taureau majestueux (Deutéronome, 33, 17). Et le Midrach nous révèle qu’Israël désirait créer un taureau, car ils avaient eu la vision de cet animal dans le Chariot Céleste, la Merkava, entourant la Présence Divine[16]. Le Ramhal nous révèle un niveau supplémentaire. Ce que D.ieu leur avait donné, avec les Premières Tables, c’était la réalisation de la première phase de la libération d’Israël, le Messie fils de Joseph (le Messie fils de David devant arriver à Ticha BéAv). Joseph représente la maîtrise totale du matériel par le spirituel; le taureau est en effet l’animal qui peut labourer la terre, la maîtriser pour la rendre fertile. Joseph était le gouverneur d’Egypte qui savait que la richesse ne provenait pas de son savoir- faire politico-économique (même si celui-ci est indispensable pour la réussite matérielle), mais de la bénédiction divine. Ainsi, lorsque les gens venaient à sa cour demander du pain, il voulait savoir s’ils étaient circoncis, car là était l’origine de l’abondance: la tenue morale du peuple. Joseph lui-même était l’exemple vivant de cette droiture morale, ayant repoussé les avances de la femme de Putiphar et acceptant de tout perdre et de passer 12 ans en prison pour la sauvegarde de son intégrité physique et morale.
Ce que les Bnéi-Israël ont détruit avec le Veau dOr, c’est cette maîtrise du physique et la propreté morale que symbolisait Joseph et sa figure messianique. Le texte nous dit qu’après avoir réalise lé Veau,” le peuple s’assit pour manger et boire, puis ils se levèrent pour se divertir” (Exode, 32, 6). Rachi nous dit que dans ce “divertissement”, il y a l’idée de la débauche sexuelle, qui sera suivie du meurtre de Hour. Ainsi, lorsqu’il y a l’idôlatrie, les deux autres péchés fondamentaux ne sont pas loin. Certains commentateurs vont même jusqu’à dire que le motif profond de l’idôlatrie est de permettre la débauche sexuelle. C’est probablement pour cela que la figure du Juste, Joseph, est celui qui sait avant tout se préserver de l’inconduite morale. Et c’est pour cela que la faute du Veau d’Or, avec la débauche sexuelle qui a suivi, est exactement l’inverse du messianisme de Joseph.
Ces deux péchés se retrouvent ensemble presque systématiquement. Ainsi, lorsque les Bnéi-Israël se plaignent de la manne, il est écrit qu’ils pleuraient aussi “par famille” (Bamidbar, 11,10). Nos sages interprètent cela comme une demande pour la permissivité sexuelle. Et dans notre paracha, nous retrouvons la même association: Israël campe à Chittim pour s’adonner au culte de Baal Péor, et ensuite s’accouplent avec les filles de Midian et de Moav. Moïse et les soixante -dix sages jugent et condamnent les Bnéi-Israël pour leur acte d’idôlatrie, mais ne disent mot concernant leur inconduite morale. Il est vrai qu’à l’époque, la halakha n’avait pas interdit les relations avec des non-juives. Or, malgré le décret de Moïse, le fléau continuait. La colère de D.ieu fut telle qu’Il menaça, pour la première fois dans l’histoire du peuple juif, de les anéantir totalement. Le seul à savoir comment réagir fut Pinhas, qui avait compris qu’il fallait frapper contre la débauche sexuelle, pour apaiser le courroux divin. C’est ainsi qu’il sauva le peuple dans son entier: “Pinhas, fils d’Eléazar, fils dAaron le pontife, a détourné ma colère de dessus les enfants d’Israël, en se montrant jaloux de ma cause au milieu d’eux, en sorte que je n’ai pas anéanti les enfants d’Israël, dans mon indignation”(Nombres, 25, 11).
Si nous lisons cette paracha en général dans la semaine du 17 Tamouz, ces événements ont certainement un lien profond entre eux. Le Talmud et le Zohar nous livrent le secret: Pinhas est la réincarnation de Joseph. Ainsi le Talmud s’interroge sur un lien filial possible entre Pinhas et Joseph: ”On nous enseigne que Pinhas n’alla pas au combat contre les Midianites sans raison, mais pour éxécuter un jugement qui concernait le père de sa mère, dont il est dit “Les Midianites le vendirent en Egypte (Genèse, 37, 36, à propos de la vente de Joseph). Pinhas serait donc un descendant de Joseph[17]?”. Le Zohar, quant à lui, révèle qu’après avoir tué Zimri et Cosby, D.ieu a rajouté à Pinhas un youd dans son nom, youd qui provenait de Joseph[18]. Joseph et Pinhas ont la même fonction ontologique: permettre l’union entre la Présence Divine et Israël, en se préservant del’inconduite morale[19].
Pinhas par son acte contre la débauche sexuelle, acquerra l’éternité. En effet D.ieu lui accorde le sacerdoce perpétuel. Et nos sages nous enseignent que le prophète Eliahou c’est aussi Pinhas. Ainsi ce dernier par son acte zélé pour protéger la brit[20] d’Israël, c’est-à-dire le lien intime entre D.ieu et l’assemblée d’Israël, aura gagné l’éternité.
[1] Metzarim signifie littéralement étroitesses: nous sommes à l’étroit entre ces catastrophes qui ont frappé le peuple juif. Mitzraim, l’Egypte provient de la même racine: elle représente l’étroitesse, l’impossibilité de voir apparaître dans le monde la grandeur de D.ieu.
[2] Rambam, Michné Torah. Lois sur les jeûnes, chapitre 5, halakha seconde. Voir aussi le texte dans les sidourim relatant ces événememts à travers des élégies.
[4] Voir Midrach Rabba 32, 7 et Zohar p 106 qui déclarent que les Bnéi-Israël avaient échappé à l’ange de la mort, étaient devenus immortels...
[5] Voir Rachi sur le dernier verset de la Torah (Deutéronome, 24, 12) qui cite le Talmud Shabbat 87a: son coeur l’a poussé à briser les Tables à leurs yeux, comme il est dit (Deut, 9, 17)”et je les brisai à vos yeux” et le Seigneur lui a donné Son assentiment, comme l’indique le verset (Exode, 34, 1) “que tu as brisées”, tu as bien fait de les briser.
[6] Voir, entre autres, le Zohar sur Lévitique Parachat Vayiqra.
[7] Cette image, ainsi que celles qui apparaissent dans le Cantique des Cantiques et qui présentent D et Israël comme un couple amoureux, sont à manier avec beaucoup de précautions et après une préparation aux notions cabalistiques de principe masculin et de principe féminin, qui ne correspondent pas à l’homme et à la femme, mais renvoient à des notions plus larges de donneur et receveur, influençant-influencé, lumière-réceptacle etc..
[8] Cette interprétation s’appuie sur le verset de la paracha Ki-Tissa (Exode, 31, 18): “Et Il donna à Moïse, lorsqu’ileut achevé de parler avec lui sur le Mont Sinai, les deux tables du témoignage, tables de pierre, burinées par le doigt de D”. Achevé peut se lire comme sa nouvelle épouse (jeu de mots entre kekhaloto et kékhalato) Voir Rachi sur ce verset.
[10] Arizal Etz Hahaim Portique Aba et Ima. Il s’agit de nouveau du principe selon lequel le but de la création est la rencontre entre D.ieu et l’assemblée d’Israël. Cette union se fait sur la base des séfirot, qui représentent chacune une émanation particulière de l’action de D.ieu dans le monde. Les trois premières séfirot sont les plus élevées, et sont au-delà de notre compréhension. Néanmoins, si nous nous conduisons comme le désire D.ieu, nous pouvons accéder à des degrés qui dépassent le simple entendement humain, et nous “lier” à la Présence Divine sur terre. C’est ce degré là qu’avaient atteint les Bnei-Israël au moment du Don de la Torah, et qu’ils auraient pu acquérir pour l’éternité par la réception des premières Tables s’ils n’avaient pas fauté par le Veau d’Or.
[17] Talmud de Babylone, Traité Sota, 43a. Le texte continue et précise que même s’il est mentionné que son grand-père était Putiel alias Jétro (Exode, 6, 25), il faut prendre le sens de Putiel non comme un nom propre, mais comme une allusion au fait que comme Joseph, il a su dompter (pitpet) ses passions.
[19] Il peut paraître désuet ou anachronique de parler aujourd’hui, dans une société occidentale permissive, d’inconduite morale. Ceci ne concerne que la sphère individuelle, et n’aurait donc pas à être interdit par un quleconque pouvoir, religieux ou législatif. La Torah voit la problématique différemment. En effet, pour elle, la base d’une société saine repose sur la famille. C’est le noyau incontournable d’un fonctionnement sociétal permettant le bien-être de chaque individu, son développement moral, intellectuel et social devant passer par les valeurs transmises dans le circuit familial. Il est donc de toute première importance que les bases de cette famille soient claires, aussi bien au niveau généalogique que moral. C’est peut-être ce que Lévinaas avait en tête, lorsqu’il conclut son oeuvre maîtresse, Totalité et Infini, par “la merveille de la famille”. Après l’éclatement des valeurs par Nietzsche, après l’angoisse existentielle d’Heidegger et de Sartre, après les machines désirantes de Deleuze, peut-être faudrait-il tout simplement revenir à la seule structure capable de donner à un être de façon des-inter-essée: la famille...
[20] La brit est ici prise dans ses deux acceptions, à savoir l’alliance et la brit mila (l’organe sexuel).